par Maria Cristina Veri

par Maria Cristina Veri

Membre Comité PS Rive Droite

Le 24 novembre, un tournant majeur pourrait s’opérer dans le système de santé suisse avec la votation sur le projet de modification de la loi fédérale sur l’assurance-maladie, connu sous l’acronyme EFAS de l’allemand “Einheitliche Finanzierung der Ambulanten und Stationären leistungen” (financement uniforme des prestations ambulatoires et stationnaires). Cette réforme, qui peut sembler technique de prime abord, propose un restructuration profonde du financement des soins, ce qui n’est pas sans conséquences. Elle représente une menace sérieuse pour l’équité et l’efficacité du système de santé. Il est crucial de souligner les impacts profonds que cette réforme pourrait avoir sur notre système de santé.

Comprendre l’EFAS

Historiquement, les cantons ont joué un rôle prépondérant dans le financement de la santé. Toutefois, l’EFAS propose de réorganiser la répartition de leur contribution, soulevant des préoccupations quant à un possible transfert de la charge financière vers les assurés. Cette modification structurelle pourrait entraîner une augmentation des primes d’assurance. L’EFAS vise à réformer la manière dont les soins de santé sont financés. Actuellement, les coûts sont partagés entre les assurances maladie, qui couvrent les soins ambulatoires tels que les consultations médicales, et les cantons, qui participent également au financement des soins hospitaliers. La réforme EFAS vise à simplifier le financement des soins de santé en introduisant une répartition uniforme des coûts entre les cantons et les assurances maladie pour tous les types de soins, qu’ils soient ambulatoires ou hospitaliers. Selon la réforme, les assurances maladie couvriraient un maximum de 73,1 % des coûts, tandis que les cantons prendraient en charge au moins 26,9 % des dépenses. En conséquence, la part financée par les cantons diminuerait, augmentant celle des assurances maladie et, par extension, celle des assurés via des primes potentiellement plus élevées. Autrement dit, bien que l’EFAS permette une distribution plus uniforme des coûts, elle pourrait également conduire à une hausse des primes pour les citoyens.

Risques de la gestion financière par les caisses-maladie 

Derrière les promesses d’efficacité administrative et de réduction des coûts se cache un risque majeur : les soins pourraient être orientés vers la rentabilité plutôt que la qualité. Avec les caisses-maladie aux commandes du financement, les craintes d’une possible privatisation du système de santé s’intensifient. Il est possible que les soins soient rationnés ou sélectionnés selon des critères de coût et de profitabilité, ce qui pourrait nuire à la qualité des soins offerts au public.

Impact de la réforme sur le rôle régulateur des cantons 

Le transfert de la charge financière aux caisses-maladie, sans un contrôle direct des cantons sur la gestion des soins, pourrait entraîner une détérioration de la qualité et de l’accessibilité des services. Jusqu’à présent, les cantons ont joué un rôle essentiel de régulateurs, garantissant l’équité et l’accessibilité des soins sur leur territoire. Cette réforme risque de réduire cette influence, permettant aux caisses-maladie de privilégier la réduction des coûts sans nécessairement prendre en compte l’intérêt des patients.

Conflit d’intérêts potentiel 

En prenant le contrôle du financement, les caisses-maladie pourraient favoriser leurs intérêts financiers au détriment de la qualité ou de l’accessibilité des soins. Cette centralisation du financement est susceptible de compromettre la qualité des soins. Actuellement, le rôle crucial des cantons dans le contrôle de la qualité et de l’accessibilité des services de santé pourrait être affaibli si les assureurs privilégient les profits plutôt que la qualité des soins dispensés.

Conséquences pour les assurés

Si l’EFAS est adoptée, cette réforme entraînera une diminution significative de la part du financement des soins de santé par les cantons. Cette réduction de leur participation financière obligera les caisses-maladie à assumer une plus grande part des coûts, ce qui se répercutera inévitablement sur les assurés par une augmentation des primes d’assurance. Les ménages les moins aisés seront particulièrement touchés, car les primes plus élevées augmenteront la charge financière globale pour l’accès aux soins de santé.

L’EFAS pourrait également accélérer la création d’un système de santé à deux vitesses. Dans un tel système, les individus bénéficiant de meilleures couvertures d’assurance pourraient accéder à des soins de qualité supérieure, tandis que ceux dépendant de l’assurance de base, et incapables de s’offrir des assurances complémentaires, se retrouveraient avec des soins de qualité inférieure. Cette disparité pourrait exacerber les inégalités de santé existantes, où l’accès aux soins avancés deviendrait un privilège lié à la capacité financière plutôt qu’un droit équitablement distribué.

Conséquences directes sur des cas concrets 

Imaginons une famille moyenne suisse, composée de deux adultes et deux enfants, pour illustrer l’impact potentiel de la réforme EFAS sur les finances familiales. Cette famille gère actuellement son budget santé grâce à une combinaison de couverture par l’assurance maladie et de subventions cantonales qui participent à certains types de soins. Cela leur permet d’équilibrer leurs dépenses. Avec l’adoption de l’EFAS, cette famille pourrait se trouver dans une situation plus complexe. Si, par exemple, un membre de la famille nécessite des soins de longue durée ou des traitements réguliers en ambulatoire, qui jusqu’à maintenant bénéficiaient partiellement du soutien financier du canton, la réforme pourrait changer la donne.

Actuellement, en cas d’hospitalisation, les coûts sont partagés entre l’assurance maladie et le canton. Le canton couvre une part significative de ces coûts, généralement jusqu’à 55 %. Par exemple, si le coût total de l’hospitalisation est de 10.000 CHF, le canton paierait 5.500 CHF et l’assurance couvrirait le reste. La famille pourrait avoir des franchises et des coûts à sa charge, mais la majorité du poids financier est amortie par les couvertures existantes. Avec la réforme EFAS, la participation des cantons aux coûts d’hospitalisation serait réduite à 26,9 %, les assurances maladie couvrant les 73,1 % restants. En utilisant le même exemple de coût de 10.000 CHF, le canton ne contribuerait que 2.690 CHF, laissant les assurances couvrir 7.310 CHF.

Ce changement de répartition pourrait ne pas affecter directement le montant à la charge de la famille si l’assurance décide d’absorber le coût supplémentaire. Toutefois, il est probable que cette augmentation de la charge financière sur les assurances se traduise par une augmentation des primes d’assurance à terme, affectant ainsi indirectement le budget familial. Pour la famille, cela signifierait des dépenses accrues en santé, mettant sous pression leur budget familial déjà serré. Une hausse des primes pourrait également réduire leur capacité à financer d’autres besoins essentiels, tels que l’éducation des enfants ou le logement. De plus, si la réforme supprime le plafond de participation aux coûts, actuellement en place pour protéger les familles contre des dépenses de santé excessives, notre famille suisse moyenne pourrait se retrouver à payer une plus grande part des coûts de santé de leur poche.  Cela serait particulièrement pénalisant si la famille n’a pas les moyens de souscrire à une assurance complémentaire coûteuse offrant une meilleure couverture. En résumé, bien que l’EFAS vise à simplifier et uniformiser le financement des soins de santé, il pourrait ironiquement rendre l’accès aux soins plus onéreux et moins équitable pour les familles moyennes. Ces familles pourraient se retrouver avec des charges financières accrues sans bénéficier d’une amélioration correspondante de l’accès à des soins de qualité.

 

Considérons le cas d’une personne âgée à Genève nécessitant des soins à domicile réguliers. Actuellement, les cantons sont tenus de participer au financement des soins à domicile et des Établissements Médico-Sociaux (EMS). Avec l’introduction de l’EFAS, il est envisagé que les cantons pourraient réduire leur contribution financière. Si l’EFAS est adopté, la réduction des subventions cantonales pourrait entraîner une augmentation significative des coûts des services de soins à domicile. Les familles de cette personne âgée pourraient alors se retrouver devant un dilemme difficile: soit assumer des frais supplémentaires pour des services privés plus coûteux, soit diminuer la fréquence et la qualité des soins reçus. Cette diminution de l’accessibilité et de la qualité des soins pourrait gravement impacter la qualité de vie et la santé de la personne âgée, augmentant le risque d’isolement ou de négligence, faute de moyens financiers suffisants pour soutenir un niveau de soins adéquat.

Ces scenarios mettent en lumière les difficultés que l’EFAS pourrait engendrer pour différentes couches de la population. Ce changement de paradigme dans le financement des soins de santé risque de créer un système où l’accès aux soins de qualité dépendra de plus en plus des capacités financières des individus, exacerbant ainsi les inégalités existantes. Ceux qui pourront se permettre des assurances complémentaires profiteront de meilleurs soins, tandis que les autres devront se contenter de ce que leur assurance de base pourra couvrir.

Propositions en réponse à l’EFAS

Dans le cadre des discussions sur la réforme de la santé, le Parti Socialiste Suisse avance depuis longtemps une proposition visant à limiter les primes d’assurance maladie à 10 % du revenu des ménages. Cette mesure est pensée pour alléger la charge financière, particulièrement pour les familles à revenus moyens et bas, qui subissent de manière accrue l’impact de l’augmentation constante des coûts de santé. D’autres solutions pourraient être explorées pour améliorer la gestion des dépenses de santé, notamment la promotion des soins ambulatoires et l’utilisation accrue de médicaments génériques. Une solution envisagée pourrait être la création d’une caisse publique pour améliorer la gestion des fonds d’assurance maladie et combattre les augmentations excessives des primes. Cette caisse centralisée garantirait une répartition équitable des ressources et assurerait la qualité et l’accessibilité des soins sur l’ensemble du territoire. Face aux défis posés par l’EFAS, il est crucial de trouver des alternatives qui répondraient mieux aux besoins du public, offrant un accès à la santé pour tous les citoyens, sans distinction de capacité financière.

Appel à l’action

En conclusion, l’EFAS présente un risque significatif pour l’équité et la qualité des soins en Suisse. Il est donc essentiel que les électeurs saisissent pleinement les conséquences de l’EFAS avant de prendre leur décision. Le vote du 24 novembre dépasse la simple formalité administrative; il s’agit d’un choix déterminant pour l’avenir du système de santé en Suisse. S’opposer à l’EFAS, c’est opter pour un système de santé qui privilégie les besoins des patients plutôt que les économies financières, et cela pourrait prévenir une réforme susceptible de modifier profondément le paysage de la santé publique du pays. La santé doit être considérée comme un droit, et non comme un privilège. Alors que la date du vote approche, chaque voix compte. Votre choix influencera directement la qualité et l’accessibilité des soins de santé dans le pays pour les années à venir.